Cet automne le musée présente « En route vers l’impressionnisme », une exposition illustrant une histoire de la peinture de paysage aux XIXe et XXe siècles. Le musée des Beaux-Arts de Reims, actuellement fermé pour d’importants travaux jusqu’en 2025, nous prête de nombreuses pièces majeures de sa collection. Cette collaboration lui permet de valoriser son très riche et important fonds qu’il détient sur le thème du paysage. L’exposition commence au moment où des peintres, aidés par les avancées techniques (chemin de fer, invention du tube de peinture), sortent de leur atelier pour peindre sur le motif. En effet, à partir de 1825, de nombreux artistes désireux d'expérimenter la peinture de plein-air se retrouvent dans le village de Barbizon en forêt de Fontainebleau. Plus loin, une part importante de l’exposition est consacrée à l’impressionnisme et au post-impressionnisme, les plus grands maîtres étant présents dans les collections du musée des Beaux-Arts de Reims : Auguste Renoir, Claude Monet, Alfred Sisley, Maxime Maufra, Henri Moret... Enfin, des expressions contemporaines dont certaines intimement liées au paysage champenois, clôturent le parcours et nous renvoient ainsi aux collections du musée de Lodève, autres témoignages des paysages d’un territoire.
Les représentations de paysages apparaissent dès l’Antiquité, sur des fresques en Égypte ou dans le monde romain. Les peintures murales des riches villas romaines montrent souvent des sujets bucoliques évoquant une nature nourricière. Elles sont le résultat d’une observation attentive de la nature environnante, de la faune et de la flore.
Au Moyen Age, le paysage sert de décor à des scènes religieuses. Le répertoire de formes reste très limité et ces images ne s’inscrivent pas dans une description réaliste. Puis, progressivement, une place de plus en plus importante lui est accordée. Au XVe siècle, le peintre flamand Jan van Eyck (vers 1390-1441) réalise une œuvre qui marque un tournant, La Vierge au Chancelier Rolin. Les personnages du tableau sont placés dans la loggia d’un palais. Au-delà d’une triple arcade, un jardin surplombe une ville et un paysage se déploie à l’arrière-plan. A la fin du Moyen Age, la fenêtre pourvue de carreaux de verre se diffuse progressivement dans les demeures nobles. Avec cette ouverture sur le monde les artistes s'emparent du motif qui leur permet d'élargir leur champ de vision. C’est également durant cette période que le paysage devient le seul sujet d’une image, pour exemple, la Vue du val d’Alco (1495), aquarelle réaliste d’Albrecht Dürer (1471-1528).
Durant la Renaissance, période qui se met en place dès le XVe siècle en Italie et se développe en Europe au cours du XVIe siècle, la fonction sacrée de l’Art s’amenuise. Les innovations liées à la perspective et l’intérêt grandissant pour l’observation de la nature participent également à l’évolution de l’art du paysage. Les sujets religieux s’effacent parfois au profit du paysage. Paysage avec la Fuite en Égypte (vers 1515), du peintre flamand Joachim Patinir (vers 1483-1524), en témoigne. Considéré comme l'initiateur du paysage panoramique, l’artiste traite le sujet au premier plan mais celui-ci se perd dans l’immensité du paysage qui s’étend à perte de vue. Le paysage s’impose aussi dans des scènes profanes de plus en plus courantes.
Au XVIIe siècle, le paysage, désormais accepté comme un genre à part entière, connaît une grande diversité d’expression. Il peut être idéalisé, réaliste, pittoresque… selon les artistes et les écoles. Le paysage classique est rarement le reflet d’une nature existante. L’artiste embellit les éléments par un travail en atelier à partir de croquis pris directement dans la nature. Seuls les plus beaux et plus nobles éléments sont retenus. Le siècle suivant, le paysage se mêle aux sentiments. La nature offre un espace de loisir ou de plaisir. Aux jardins bien ordonnés, on préfère les bosquets, la végétation sauvage et les ruines.
Henry Moret (1856-1913), Brume sur la rivière à Pont-Aven, 1901, huile sur toile
Ce n’est vraiment qu’au XIXe siècle, que le paysage prend toute son importance dans la peinture. Les mouvements qui se succèdent et s’entrecroisent durant le siècle célèbrent la nature à leur façon. A la fin du XVIIIe siècle les prémices de changements profonds apparaissent. Pour les romantiques, à la raison et à la rigueur prônées dans la peinture néoclassique, ils opposent l’exaltation des sentiments ou le monde des rêves. L’anglais William Turner (1775-1851), figure emblématique du romantisme, s'intéresse principalement aux effets atmosphériques de la lumière et de la couleur, mêlant nuages, brume, neige et mer en un tourbillon dans lequel tout semble se dissoudre. Il est désormais considéré comme un des précurseurs de l’impressionnisme. Qu’ils soient des figures indépendantes comme Eugène Boudin, qu’ils participent à l’école de Barbizon ou plus tard au groupe impressionniste, la peinture de plein air trouve alors à travers eux ses lettres de noblesse.
Après les innovations picturales des impressionnistes, des néo-impressionnistes ou des peintres Nabis bannissant les effets de profondeur, le XXe siècle s’annonce encore plus radical quant à la représentation du paysage et à sa non représentation.
Le paysage devient au fur et à mesure le prétexte à des recherches plastiques. C’est en explorant la nature et le motif de l’arbre tout particulièrement que Piet Mondrian (1872-1944) passe à l’abstraction dès 1912. Après la Première guerre mondiale, les surréalistes créent des paysages imaginaires en puisant dans l’inconscient et les rêves. A la fin des années 1960, de nouvelles approches voient le jour avec le Land Art et l’Arte Povera. Des artistes interviennent directement dans la nature, tandis que d’autres utilisent des matériaux dits pauvres ou naturel comme la terre, des pierres, du bois… C’est aussi à partir de cette période que les propositions se diversifient avec l’arrivée de nouvelles technologies. Depuis, le paysage se décline en photographies, vidéos, images numériques, sculptures, installations... En lien avec leur monde, des artistes mènent des réflexions sur le rapport entre l’homme et la nature. Les enjeux et les problématiques s’invitent dorénavant dans l’art.
Pour aller plus loin :
Né en 1796 à Paris, Corot est très tôt attiré par le dessin, et se forme auprès de maîtres du paysage néoclassique. Les études sur le motif permettent de composer de façon réaliste un paysage qui doit cependant être idéalisé. Il s’agit d’extraire de la nature la quintessence de la beauté ou de l’émotion qu’elle peut transmettre au regard humain. Corot laisse son imagination et ses souvenirs créer des paysages oniriques, enveloppés d’un voile de brume légère.
Corot a entretenu sa vie durant une affection particulière pour la ville de Mantes. Il confirme ici son sens de la théâtralisation. La cathédrale est mise en lumière par les arbres placés au premier plan et faisant office de rideau de scène. Le premier plan restant assez sombre, la ville est quant à elle lumineuse et colorée.
Camille COROT, Mantes, le soir, La cathédrale de Mantes, Vers 1860-1865,huile sur toile
A partir de 1825, et pendant près de cinquante ans, le village de Barbizon et sa nature environnante sont devenus une source d’inspiration pour toute une génération d’artistes paysagistes. Lieu de rencontre plutôt qu’école, à travers étangs et sous-bois, il fait bon se promener, poser son chevalet et peindre la campagne au plus près de la réalité. Adeptes d’un retour à la nature, les peintres de l’École de Barbizon sont animés par la beauté du site qu’ils peignent sur le motif. Ils sont les pionniers de la peinture en plein-air. L’invention du tube de gouache en 1841 facilite leur mobilité, ainsi que l’ouverture d’une ligne de chemin de fer en 1849 qui rend les abords de Fontainebleau beaucoup plus accessibles depuis Paris. Ces conditions réunies favorisent l’émergence d'une nouvelle sensibilité à l’art du paysage qui va renouveler le genre et la technique du paysage français.
L’héritage laissé par les peintres de Barbizon ne doit plus être considéré comme les prémices balbutiantes d’un impressionnisme qui serait davantage digne d’intérêt car c’est bien de la libération du genre du paysage dont il est question : une conquête déterminante, obtenue par ces artistes épris de nature.
La peinture de marine se développe en Italie et en Hollande à partir du XVIIe siècle. Relayée au second plan, derrière le « grand genre » (sujets historiques, religieux et mythologiques), elle met du temps à s’affirmer en France. La mer change de statut au XIXe siècle, de décor elle devient sujet. L’émergence de la peinture de marine peut être rapprochée du romantisme, qui met en scène la mer et ses dangers à travers des scènes de naufrages et de tempêtes.
Félix Ziem, Vue d’Italie, s.d., huile sur bois
Félix Ziem (1821-1911) est un artiste incontournable du courant orientaliste. Épris de lumière, il parcourt le pourtour méditerranéen, voyageant à Beyrouth, au Caire, à Alger ou, comme ici, en Italie. Faisant aussi de fréquents séjours à Barbizon, il démontre une grande qualité d’exécution dans ses paysages. Sur cette vue probable de la côte Adriatique, un groupe de femmes discutent près de barques, jonction entre la terre et la mer. Une maison sur la droite forme une arche en dessous de laquelle passe une route. A l’arrière-plan, un voilier, et la ville, se détachent dans la brume. La cité est encadrée par la ligne d’horizon, basse, et le mât au centre de la composition. Les couleurs sont claires, plongeant le paysage dans une lumière toute matinale.
Eugène BOUDIN, Berck, le départ des barques, 1890, huile sur toile
Artiste précurseur de premier plan, Eugène Boudin (1824-1898), originaire d'Honfleur, est issu d’un milieu modeste. Il étudie un temps à Paris et se consacre très tôt au paysage. Son talent s’exprime dans ses marines, ses scènes de plages et les nombreux paysages qu’il réalise au cours de ses voyages. Ses recherches – captation de l’instant, effets lumineux fugaces, technique rapide- sont proches de celles des futurs impressionnistes. Il participe d’ailleurs à leur première exposition. La mer est également un thème important pour les impressionnistes ou encore les pointillistes, qui travaillent autour de la lumière et de la couleur. Contrairement à d'autres artistes la reconnaissance de son talent ne sera que tardive.
Une nouvelle génération d’artistes va peu à peu former un groupe qui cherche à capter l’instant et l’émotion de leur vie quotidienne. Ils fondent ainsi en 1874 la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs. C’est aux sarcasmes d’un critique, Louis Leroy, que l’on doit ce terme d' « impressionnisme » alors qu’il cherchait à tourner en dérision le titre du tableau de Monet peint au Havre Impression soleil levant. Les artistes eux-mêmes s’emparent de ce terme pour se désigner. Les tableaux impressionnistes conservent volontairement le trait du pinceau et procèdent par petites touches. Les couleurs en sont vives et lumineuses, ils peignent le plus souvent en plein air sur de petits formats.
Claude MONET, Les rochers de Belle-Île, 1886, huile sur toile
Claude Monet (1840-1926), l’un des chefs de file du mouvement, passe son enfance au Havre et y rencontre Boudin, qui l’initie à la peinture en plein air. Il découvre Belle-Île au mois de septembre 1886, séjour au cours duquel il peint trente neuf toiles. Il se montre d’abord décontenancé par cette nature peu facile à apprivoiser, mais les falaises à pic, les surplombs vertigineux ne l’effraient pas : il plante son chevalet au bord du vide et se tient obstinément devant les motifs qu’il a choisis. Monet n’hésite pas, par tous les temps, à s’installer afin d’étudier les couleurs que la lumière des différents moments de la journée génère. La recherche sur l’enveloppe colorée des éléments composant ce paysage met en évidence la quête obsessionnelle de l’artiste sur le temps qui passe, qui le conduit à l’approfondir toujours plus jusqu’aux célèbres séries des Nymphéas. Ainsi face à ce paysage marin, Monet rend compte des variations atmosphériques en maniant avec précision les contrastes, entre ombre et lumière, et les couleurs complémentaires, très lumineuses, dans les zones saturées de soleil. On retrouve également dans son travail, à travers le motif des vagues, l'influence des estampes japonaises qu'il collectionne.
Au début du XXe siècle, des artistes libèrent les couleurs et s’affranchissent du sujet. On tend à la simplification des formes pour donner une nouvelle perception et représentation de la réalité.
Denise ESTEBAN, Paysage marin, 1977, huile sur toile
Denise Esteban (1925-1986) nous livre ici un paysage dépouillé, lumineux aux teintes diaphanes. Toujours sur les routes, elle observe la nature pour recréer ensuite dans ses œuvres des espaces irréels constitués de volumes simplifiés, et de lumière. Utilisatrice des aplats de couleurs et de la technique du couteau, elle abandonne ensuite les empâtements au profit d’une surface plus lisse avec des jeux de transparence. Dans Paysage marin, de 1975, les éléments ciel, air et eau sont épurés et invitent à la contemplation.
Arts plastiques
L’art de peindre
- Expérimentation gestuelle et matérialité de la peinture : la matière, la touche, l’empâtement, l'épaisseur, la fluidité, le relief, le glacis… le support, le papier, le format, la palette, les couleurs...
- Organisation de la surface picturale : cadrage, profondeur, plan…
- Étude, croquis, esquisse…les étapes de la création picturale
- La peinture comme « trace », « empreinte », « témoignage »
- C'est quoi l'abstraction ? : définitions
- Dépasser la figuration : objectivité de la peinture / subjectivité et expérience du peintre : la question de la distanciation
Le paysage
- Composer un paysage : plans successifs, perspectives…
- Le cadrage : montrer le paysage autrement
- Evolution et mutations de la notion de paysage, de sa perception et du paysage peint
- De la représentation réaliste au paysage abstrait…histoire du paysage
- Paysage urbain/paysage rural : code, couleur et matière
- Le statut de la peinture de paysage : le travail descriptif, documentaire, exploration d’un territoire et interprétation en termes d’images
- Intervenir dans le paysage : in situ, land art et photographie.
Histoire / géographie
- Identifier quelques caractéristiques qui inscrivent une œuvre d’art dans une aire géographique ou culturelle et dans un temps historique, contemporain, proche ou lointain
- La place et la présence de l’homme dans son environnement : la notion de territoire et sa temporalité, histoire et géographie du lieu
- Paysages d'hier et d'aujourd'hui : évolutions et mutations du paysage et de sa perception
- Géographie et représentation du paysage : rapprochements et éloignements…
Histoire de l'art
- Décrire des œuvres d’art, les interroger à l’aide d’un vocabulaire spécifique et en proposer une compréhension personnelle argumentée
- Repérer, pour les dépasser, certains a priori et stéréotypes culturels et artistiques
- S’approprier quelques œuvres de domaines et d’époques variés
- S’ouvrir à la diversité des pratiques et des cultures artistiques
- La "veduta" dans l’histoire des arts
Littérature
- Le témoignage comme perception du paysage : le récit, la description, le reportage…
- Influences du paysage sur l’homme : notion d’identité, de dépaysement ou d’enfermement…
Philosophie
- Quelle est la fonction de l’art ? (Art et société)
- Quel sens donne-t-on à l'art et à une exposition d'art ? Tous les éléments sont-ils réunis pour une bonne compréhension des œuvres qui s'y trouvent ?
- Le statut de l'exposition d'art : le visiteur se voit-il imposer un discours ou a-t-il la possibilité de créer lui-même les correspondances entre les murs (le contenant) et les œuvres de l'exposition (le contenu) ?
- Œuvre abstraite et imaginaire du spectateur : enjeux, rapports et ambiguïtés
Le musée / l'exposition
- Exposer, c'est quoi ?
- Les prêts et les partenariats entre musées
- Les métiers du musée
- Être ou devenir spectateur
- Observer, éveiller ses sens
- Appréhender la mise en regard et en espace et découvrir la prise en compte du spectateur dans la muséographie ou la scénographie de l'exposition
Modalités de visite
- Visite guidée : visite animée par un(e) médiateur(trice) du musée, adaptée aux enfants de chaque âge. 30 minutes pour le cycle 1, 45 minutes pour les cycles 2, 3, 4, lycéens et étudiants.
- Visite en autonomie : venez seul avec votre classe en vous appuyant sur le dossier pédagogique et les cartels présents dans l'exposition.
Ateliers de pratique artistique
- "Ohé matelot" (cycle 1) : création d’un paysage marin collectif en relief. Chaque élève découpe, colorie et le colle sur une pique de bois un élément qui viendra composer le décor.
- "Destination voyage" (cycle 2 et 3) : réalisation par chaque élève de plusieurs cartes postales représentant un même paysage. On fera varier les saisons, la météo, mais aussi les outils et les techniques.
Renseignements et réservations
Service éducatif
scolaires.museepatrimoine@lodevoisetlarzac.fr
04 11 95 02 16
Henri HARPIGNIES, L’aurore, 1890, huile sur toile
adresse postale
1 place Francis Morand
34700 Lodève
France
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